RIGHEIRA “VAMOS A LA PLAYA”

Au tout début des années 2000, j’étais parti en road trip avec quelques amis. Direction Séville, en coupant droit par les étendues arides de l’Estrémadure, histoire de se mêler à la foule compacte de la Semaine Sainte. Je me souviens tout particulièrement du premier pénitent aperçu, pointu et noir comme une mine, au détour d’une de ces innombrables ruelles blanchies qui tricotent le vieux centre. Quelques jours d’extase à l’épicentre de ce catholicisme suant, saignant comme un bœuf et beuglant rauque par-dessus l’écheveau lacrymal d’une trompette et d’un hautbois. Du mystère et du danger, la chaussure de post-ado dépassant dangereusement des trottoirs exigus, au risque de se faire broyer le pied par les pasos brinquebalants comme ivres.

Le soir dans les bars-restaurants, les crevettes tressautaient dans l’huile verte et la Mahou glacée moussait dans les naseaux. À la radio ; des flamencos mutants de Topo Cincuenta ou de Hit-Makina de l’époque, de ceux qui gratinent, qui frottent comme les élytres de cigales en accéléré. Je me souviens comme il faisait partout moite et à toute heure. Chaque carrefour était tendu de guirlandes multicolores, et pourtant une bonne partie de la semaine on célébrait surtout la mort, la torture, la souffrance. Cette ambiance-là, on en a parlé avant ici, elle est trompeuse. Ce qui est véritablement triste, ce qui est ressenti.

Une certaine italo dance contient ce malentendu, cette incompétence qui fait se dresser les foules, ce roulis qui brasse les ados boutonneux, de haut-le-cœur. Parce qu’elle est fabriquée avec des doigts aux tendons épineux, des envies qui se coagulent encore, pas tout à fait figées, des larmes cireuses. Elle voudrait faire danser avec ses nappes brouillées, ses allumettes saturées qui s’éparpillent à contretemps. Mais je n’y crois qu’à moitié.

Je ne tire aucun barbu agonisant par sa longue chevelure, soyez-en certains, mais vous ne me ferez pas avaler que ce simili-hymne de grève psalmodié par deux faux hidalgos, deux Stefano (Righi et Rota) bien flag de Rimini ou peut-être de Padoue, vous fait onduler le bassin de fun déferlant et de soleil au cœur, que ces glissandos mortuaires qui lancent les refrains, ces voix maquillées comme des cadavres, le rose aux joues creuses, ressuscitent le bon goût des vacances, des beignets qui bavent, des glaces bleues et marronnasses. À d’autres.

 

 

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